Attention: L'âge au mariage (29 juillet 1137) était inférieur à 16 ans (15).
naissance
déc
(1) Elle est mariée avec Louis VII "le Jeune" de FRANCE.Source 2
Ils se sont mariés le 29 juillet 1137, elle avait 15 ans.
Mariage annulé en 1152
Enfant(s):
Les époux ont divorcé le 28 mars 1152.
divorce
(2) Elle est mariée avec Henry II Plantagenet d'ANGLETERRE.Source 3
Ils se sont mariés le 25 mai 1152, elle avait 30 ans.
Enfant(s):
Aliénor d'Aquitaine
Aliénor dâAquitaine, détailAliénor dâAquitaine (dite également Éléonore de Guyenne), née en 1122 ou 1124[1] et morte le 31 mars ou le 1er avril 1204[2], à Poitiers[3] â et non à l'abbaye de Fontevraud â duchesse d’Aquitaine, occupe une place pivot dans les relations entre royaumes de France et dâAngleterre au XIIe siècle : elle épouse successivement le roi de France Louis VII, puis le futur roi d’Angleterre, Henri II, renversant le rapport des forces en apportant sa dot à lâun puis à lâautre des deux rois. En tenant une cour fastueuse dans son domaine aquitain, elle favorise l'expression poétique des troubadours. À la fin de sa vie, elle joue un rôle politique important dans lâOccident.
Lâhéritière dâAquitaine
Armes du duché de Guyenne,
De gueules, au léopard d'orAliénor d'Aquitaine est la fille aînée de Guillaume X, duc dâAquitaine, lui-même fils de Guillaume IX le Troubadour, et dâAénor de Châtellerault, fille de Aymeric Ier de Châtellerault, un des vassaux de Guillaume X.
Aliénor, "l'autre Aénor" en langue d'oc, est ainsi nommée en référence à sa mère Aénor. Le prénom devient Eléanor en langue d'oïl.
Elle reçoit une éducation soignée, celle dâune femme noble de son époque, soit à la cour dâAquitaine, lâune des plus raffinées du XIIe siècle, celle qui vit naître lâamour courtois (le fin amor), entre les différentes résidences des ducs dâAquitaine : Poitiers, Bordeaux, le château de Belin où elle serait née, soit encore dans un monastère féminin[4]. Elle apprend à lire et à écrire le latin, la musique et la littérature de lâépoque, mais aussi à monter à cheval et à chasser.
Elle devient lâhéritière du domaine aquitain à la mort de son frère Guillaume Aigret, en 1130[5]. Lors de son quatorzième anniversaire (1136), les seigneurs dâAquitaine lui jurent fidélité. Son père meurt à 38 ans (1137), le Vendredi saint lors dâun pèlerinage vers Saint-Jacques de Compostelle. Elle épouse alors lâhéritier du roi de France Louis VI, le futur Louis VII. Deux versions sur la conclusion de ces noces sont possibles : soit, craignant que sa fille soit enlevée (et épousée) par un de ses vassaux ou de ses voisins, le duc Guillaume avait proposé au roi de France, avant de mourir, dâunir leurs héritiers. Soit le roi fait jouer la tutelle féodale que le suzerain détient sur l'orpheline héritière d'un de ses vassaux, et la marie à son fils[6] (voir mariage oblique). Le domaine du roi de France s'accroît de ces terres entre Loire et Pyrénées ; mais le duché dâAquitaine nâest pas rattaché à la Couronne, Aliénor reste duchesse, et l'éventuel fils aîné du couple sera titré roi de France et duc dâAquitaine, la fusion entre les deux domaines ne sâopérant quâune génération plus tard.
Les noces ont lieu le 25 juillet 1137 à Bordeaux entre le futur roi de France Louis VII. Comme de coutume, les festivités de mariage durent plusieurs jours, au palais de lâOmbrière à proximité de Bordeaux, et se répètent tout au long
du voyage vers Paris. La nuit de noces a lieu au château de Taillebourg, les époux sont couronnés ducs dâAquitaine à la cathédrale Saint-Pierre de Poitiers (aujourdâhui remplacée par une cathédrale gothique) le 8 août[7]. Ils apprennent la mort de Louis VI pendant le voyage.
La reine de France
Contre sceau de Louis VII en duc d'Aquitaine.Aliénor est couronnée reine de France à Noël 1137 à Bourges (son époux avait déjà été sacré du vivant de son père, à lââge de neuf ans, mais il est recouronné). Très belle[8], dâesprit libre et enjoué, Aliénor déplaît à la cour de France, plus froide et réservée ; elle est critiquée pour sa conduite et ses tenues indécentes, tout comme ses suivantes et tout comme une autre reine de France venue du Midi un siècle plus tôt, Constance dâArles. Ses goûts luxueux (des ateliers de tapisserie sont créés, elle achète beaucoup de bijoux et de robes) étonnent. Les troubadours quâelle fait venir ne plaisent pas toujours : Marcabru est renvoyé de la cour pour avoir exprimé son amour pour la reine.
Certains historiens attribuent ces critiques à lâinfluence quâelle aurait sur le roi. Celle-ci est difficile à démontrer selon Labande[9]. Le jeune couple (ils ont tous deux moins de vingt ans) prend plusieurs décisions inconsidérées :
après la constitution de Poitiers en commune, la ville est prise sans effusion de sang par Louis VII, qui exige que les bourgeois livrent leurs enfants en otage ; lâabbé Suger intervient pour lui faire renoncer ;
après cette intervention de Suger dans le domaine de la jeune reine, celle-ci lâécarte du conseil ;
Louis VII soumet Guillaume de Lezay, qui avait refusé lâhommage à Poitiers ;
dans une expédition sans lendemain en 1141, il tente de conquérir Toulouse, sur laquelle Aliénor estimait avoir des droits (de sa grand-mère Philippe de Toulouse) ; pour le remercier, Aliénor lui offre un vase taillé dans un bloc de cristal, monté sur un pied dâor et orné de pierreries et de perles ; il est encore aujourd’hui visible au Louvre, et avait été donné à son grand-père par le roi de Saragosse Imad al-Dawla ;
elle pousse le roi à faire dissoudre le mariage de Raoul de Vermandois, pour que sa sÅur Pétronille d'Aquitaine, amoureuse, puisse lâépouser, ce qui causa un conflit avec le comte de Champagne, Thibaut IV de Blois, frère de l'épouse délaissée.
Au cours de ce conflit avec Thibaut IV de Blois, en janvier 1143 la ville de Vitry-en-Perthois est prise, et lâéglise dans laquelle sâétaient réfugiés ses habitants est incendiée. En 1146, le pape Eugène III jette l'interdit sur le royaume de France. Profondément marqué par le drame de Vitry-en-Perthois et la sanction papale qui touche le royaume, Louis VII, dont l'épouse vient de lui donner une fille, annonce à Bourges lors d'une assemblée tenue le 25 décembre 1145 qu'il va participer à la deuxième croisade avec Aliénor.
Deux filles sont nées du mariage avec Louis VII :
Marie (1145-11 mars 1198), qui épouse en 1164 Henri Ier de Champagne, comte de Troyes, dit « Le Libéral », et devient régente du comté de Champagne de 1190 à 1197,
Alix (1150-1195), qui épouse Thibaud V de Blois dit « Le Bon » (1129-1191), comte de Blois 1152-1191.
Durant toute cette période, lâanalyse des chartes montre une assez faible implication dâAliénor dans le gouvernement : elle est là pour légitimer les actes[10].
La IIe croisade
Elle invite le troubadour Jaufré Rudel à la suivre lors de la deuxième croisade, et emmène toute une suite, avec de nombreux chariots. Imitée par les épouses des autres croisés, la croisade française se retrouve encombrée dâun énorme convoi qui la ralentit. La découverte de lâOrient, avec ses fastes et ses mystères, fascine Aliénor et rebute Louis.
Les causes de discorde entre les deux époux sâajoutent aux difficultés du voyage :
la bataille du mont Cadmos, où lâimprudence dâun de ses vassaux manque de causer la perte de la croisade ;
les manquements des Byzantins (qui leur cachent d’abord que les Allemands ont été battus, puis ne leur fournissent pas les navires promis) ;
les retrouvailles avec son oncle Raymond de Poitiers, qui accueille les croisés mais ne reçoit aucune aide de leur part ;
lâéchec calamiteux de la croisade ;
Tout cela provoque, avec lâinfidélité supposée de sa part (voir plus bas), une rupture entre les deux époux. Ils font le retour séparément, en bateau jusquâen Italie. La nef dâAliénor est prise dans une bataille navale entre Roger II de Sicile et lâempereur Manuel Comnène : elle tombe aux mains des Byzantins, avant dâêtre aussitôt délivrée par les Normands de Sicile[11]. Elle aborde à Palerme, puis rejoint Louis VII en Calabre, où il a débarqué le 29 juillet. Après un arrêt dû à une maladie dâAliénor[12], ils remontent ensuite vers la France. Le pape Eugène III à lâabbaye du Mont-Cassin, puis Suger (par lettres interposées), réussissent à les réconcilier. Une fille naît dâailleurs l'année suivante. Cependant, le désaccord resurgit à lâautomne 1151. Début 1152, le couple relève les garnisons royales présentes dans le domaine aquitanique[13]. Enfin, le mariage est annulé le 21 mars 1152 par le synode de Beaugency pour motif de consanguinité aux 4e et 5e degrés (à strictement parler le divorce[14] n'existe pas à l'époque).
Lâincident dâAntioche et la « légende noire[15] » de la reine Aliénor
Prise d'Antioche par les CroisésLes événements dâAntioche, ramenés à l’importance d’un incident par Jean Flori, ont depuis presque neuf siècles suscité une abondante littérature : cette infidélité dâAliénor (dont tous les historiens ne sont pas convaincus) a non seulement des conséquences graves à terme sur lâhistoire politique, mais son traitement par les chroniqueurs nous en apprend beaucoup sur les mentalités de lâépoque, et cet épisode est depuis devenu un enjeu pour les historiens, toujours controversé[16] .
En chemin, la croisade sâarrête dix jours[17] à Antioche : elle y est accueillie par Raymond de Poitiers, lâoncle dâAliénor, prince dâAntioche. Il est certain quâAliénor et Raymond de Poitiers sâentendent à merveille et passent beaucoup de temps ensemble. Des soupçons naissent sur la nature de leurs relations et une dispute éclate entre Louis VII et Aliénor, qui rappelle alors à son époux leur degré de consanguinité[18], et quâelle pourrait donc demander
l’annulation de leur mariage. De nuit, Louis VII quitte Antioche, forçant Aliénor à le suivre.
Plusieurs chroniqueurs[19] évoquent lâaffaire, tout en écrivant quâil vaut mieux ne pas en parler, signe qu’elle est connue de tous et de nature à porter atteinte à la réputation de contemporains.
Parmi les chroniqueurs les mieux placés, Eudes de Deuil choisit dâarrêter son récit juste avant lâarrivée à Antioche. Jean Flori interprète ce silence comme un désir de ne pas nuire au roi[20]. Une lettre de Suger[21] à Louis VII évoque elle aussi des troubles graves dans le couple. Guillaume de Tyr donne lui une explication politique : Raymond de Poitiers aurait tenté de manipuler la croisade pour lâorienter vers le siège dâAlep et de Césarée, et aurait manipulé Aliénor pour quâelle influence le roi. Cette trahison politique dâAliénor double donc la trahison matrimoniale. Aliénor est pour lui, une « poupée manipulée », sans volonté[22], ce qui est une des deux manières principales dont elle a été représentée (avec la figure de la nymphomane). Les historiens ont aujourdâhui complètement abandonné les accusations de nymphomanie et celles qui lui sont liées[23].
Quant à lâinfidélité de la reine, elle nâest pas impensable en elle-même au XIIe siècle : parmi les exemples disponibles, le plus proche est celui de Marguerite, épouse dâHenri le Jeune et maîtresse de Guillaume le Maréchal. Le contexte de la croisade aggrave encore la sensibilité à ce qui touche la sexualité : Jean Flori note que, en arrière-plan, la sexualité au cours de la croisade, même légale, était déjà jugée de façon défavorable : même sans évoquer Aliénor, plusieurs contemporains attribuent lâéchec de la deuxième croisade aux fautes morales des croisés. La même explication est donnée pour lâéchec de celle de 1101 (celle de Guillaume le Troubadour)[24].
Sur cet incident, une infidélité qui paraît acquise aux contemporains[25], et même bien avant la mort dâAliénor[26], les chroniqueurs brodent assez rapidement : Hélinand de Froidmond, dans sa Chronique universelle, comme Aubri de Trois-Fontaines, affirment qu’elle se conduisit plus en putain qu’en reine. Le but est ici politique : mettre en valeur la vertueuse dynastie capétienne et justifier leur suprématie sur un lignage Plantagenêt immoral[27]. Avant même la fin du Moyen Âge, lâévènement est grossi et transformé : on identifie lâamant avec Raoul de Faye, un sarrasin, voire Saladin (enfant à lâépoque). Lâépisode de la maîtresse dâHenri II, Rosemonde, se surajoutant (rumeur dâempoisonnement sur ordre dâAliénor), certains chroniqueurs lui prêtent une liaison avec lâévêque de Poitiers Gilbert de la Porrée (né vers 1076[28]), avec le connétable dâAquitaine Saldebreuil, etc.
Pour Jean Flori, il a pu se passer deux choses :
soit Aliénor a effectivement eu des relations incestueuses avec son oncle, et a voulu ensuite rester avec lui, au point de ne pas craindre de se séparer de son époux ;
soit les croisés se sont trompés dans leur appréciation du sentiment qui unissait Raymond de Poitiers et Aliénor dâAquitaine, ce qui donne une Aliénor très hardie osant évoquer la dissolution du mariage.
Dans les deux cas, lâélément primordial est cette évocation dâune possibilité dâannulation du mariage à lâinitiative de lâépouse[29], et qui a forcément du être préméditée[30]. Ce faisant, câest elle qui décide de la rupture du mariage, chose impensable dans lâunivers mental masculin dâalors : câest pratiquement elle qui répudie son mari.
Il se révèle au final difficile de trancher en ce qui concerne la réalité de lâadultère, comme Jean Flori sâinterdit de le faire :
« On peut (â¦) penser que les soupçons de Louis VII étaient justifiés, comme lâont fait la plupart des chroniqueurs dès que lâincident a été narré, ou au contraire estimer que lâintimité très naturelle de lâoncle et de sa nièce fut à tort jugée coupable par les trop austères chevaliers et prélats du Nord qui exigeaient dâune reine un comportement plus strict, au point de suspecter sa vertu et de conseiller au roi, agacé de ces rumeurs, de lâentraîner
avec lui sans tarder. Dans ce cas, comme le fait remarquer Jean de Salisbury, lâaccent doit être porté sur la demande de rupture formulée par la reine pour motif de consanguinité[31]. »
« Au demeurant, la réalité de lâadultère importe peu (â¦). Ce qui est très important (â¦) câest le fait (â¦) que les contemporains dâAliénor ont réellement cru quâelle était une reine luxurieuse et (pis encore !) une reine nâhésitant pas à prendre lâinitiative dâune rupture[32] »
La reine d’Angleterre
Mariage avec Henri II d’Angleterre
La France en 1154, et les terres apportées à l'Angleterre par la dot d'Aliénor.Après lâannulation du mariage, elle rentre immédiatement à Poitiers et manque dâêtre enlevée deux fois en route par des nobles qui convoitent la main de la plus riche héritière de France : le comte Thibaud V de Blois et Geoffroi Plantagenêt. Elle échange quelques courriers avec Henri dâAnjou, futur roi dâAngleterre, aperçu à la Cour quelques semaines plus tôt et, le 18 mai 1152, six semaines après l'annulation de son premier mariage, elle l'épouse, puis est couronnée avec Henri II reine dâAngleterre le 19 décembre 1154[33]. Celui-ci est de onze ans son cadet et a le même degré de parenté que Louis VII avec elle. Dans les treize années qui suivent, elle lui donne cinq fils et trois filles :
Guillaume Plantagenêt (17 août 1153-1156),
Henry dit Henri le Jeune (28 février 1155-11 juin 1183), qui épouse Marguerite, fille de Louis VII le Jeune, roi de France ;
Mathilde (août 1156-1189), qui épouse Henri le Lion (?-1195) duc de Saxe et de Bavière en 1168 ;
Richard (8 septembre[34] 1157-1199), qui devient roi d'Angleterre sous le nom de Richard CÅur de Lion, qui épouse Bérengère de Navarre. Il meurt sans descendance légitime ;
Geoffroy II de Bretagne (23 septembre 1158[35]-1186), comte de Bretagne par son mariage en 1181 avec Constance de Richemont (1161-1201), fille et héritière du duc de Bretagne Conan IV mort en 1171 ;
Aliénor (septembre 1161[36]-1214), qui en 1177 épouse Alphonse VIII de Castille (1155-1214), mariage dont est issue Blanche de Castille ;
Jeanne (octobre 1165[37]-1199), qui épouse Guillaume II roi de Sicile puis Raymond VI de Toulouse, un fils, Raymond VII de Toulouse; dernier des comtes de Toulouse. (1194), meurt après la naissance-mort de leur fille à Fontevrault ;
Jean (27 décembre 1166[38]-1216), dit Jean sans Terre, roi d'Angleterre (1199-1216) qui épouse Isabelle d'Angoulême, mère dâHenri III.
Durant les deux premières années de ce mariage, Aliénor affirme son autorité. Mais rapidement, câest Henri II qui prend les décisions ; cinq grossesses les sept premières années la tiennent peut-être à distance. En tout cas, elle le suit au cours de ses voyages quand il a besoin dâelle, le représente quand il ne peut se déplacer (à Londres fin 1158 et en 1160), sinon elle est tenue plus souvent dans les domaines Plantagenêt que dans les siens. Après 1154, tous ses actes sont soit précédés dâune décision du roi dâAngleterre, soit confirmés par lui par la suite[39]. Malgré sa réputation de femme légère, forgée a posteriori par des chroniqueurs, Aliénor est excédée par les infidélités de son mari. Ainsi, son premier fils Guillaume et un bâtard dâHenri sont nés à quelques mois dâécart ; Henri eut beaucoup dâautres bâtards tout au long de leur mariage. Elle obtient néanmoins pour lâun dâentre eux, Geoffroy,
en 1191, lâarchevêché d'York du pape Célestin III [40].
Les accords de Montmirail et la difficulté de maintenir sa domination sur un ensemble aussi vaste et hétérogène poussent Henri II à une réforme dynastique. En 1170, Richard est proclamé duc d'Aquitaine et Aliénor gouverne son duché en son nom. Elle sâétablit à Poitiers et y crée la Cour dâamour, dont quelques règles ont été rédigées par André le Chapelain (ou Andreas Capellanus) (voir plus bas). Tout comme avec Louis VII, elle nâagit que très peu politiquement[41].
Aliénor est horrifiée par l'assassinat de Thomas Becket dans sa cathédrale de Cantorbéry.
La mécène
Les historiens ont longtemps attribué à Aliénor dâAquitaine un rôle important de mécène, notamment auprès des troubadours, ayant été formée à lâexemple de ses père et grand-père. Cette vision a été radicalement remise en cause récemment par K. M. Broadhurst : en effet, en regardant en détail les Åuvres auparavant considérées comme commandées ou dues au patronage dâAliénor, très peu comportent une mention de cette commande. De plus, en se fondant sur le fait que le seul troubadour présent dans les chartes au même endroit qu'Aliénor est Arnaut-Guilhem de Marsan, coseigneur de Marsan (Landes) lors d'un plaid tenu à Bordeaux, lâexistence même de ces cours poétiques est remise en cause[42]. Arnaut-Guilhem de Marsan était l'auteur d'un célèbre (au Moyen Âge) Ensenhamen de l'escuder, un guide qui expliquait comment se comporter en bon chevalier.
Il affirme également que ces cours d'amour sont des inventions d'André le Chapelain qui poursuivait peut-être des buts politiques en voulant discréditer Aliénor. Il était en effet un clerc du roi de France Philippe Auguste et son ironie
à lâégard dâAliénor est évidente[43], de même quâil nâa jamais fréquenté sa cour.
Cependant, une évaluation minimale peut attribuer la commande dâune traduction de Monmouth[44] à Wace, quâil enrichit et en fait son Roman de Brut, qui lui est probablement dédicacé ; câest une Åuvre importante de 15 000 vers, qui a au moins dû recevoir un encouragement ou une incitation princière. On peut joindre à cette attribution a minima lâHistoire des ducs de Normandie, par Benoît de Sainte-Maure[45]. Dâun autre côté, sans quâon puisse attribuer lâorigine dâÅuvres à des commandes royales, un certain nombre ont certainement été composées en leur honneur, ou dans le but de leur plaire, ou ont dû valoir à leur auteur une généreuse récompense. Enfin, le prestige du couple est tel quâil est présent dans la littérature contemporaine : dans les années 1150, un trouvère anonyme, originaire de lâAngoumois, refait la geste de Girart de Roussillon, en glissant plusieurs allusions à Aliénor dâAquitaine[46]. Plus
tard, en 1155, le Normand Benoît de Sainte-Maure ne la nomme pas, mais fait son éloge dans son Roman de Troie, manière de dédicace[47] ; de même, il chante les louanges du couple royal deux fois dans la Vie de saint Édouard[48]. Le troubadour Bernard de Ventadour, quâelle accueille à sa cour en 1153[49], lui dédicace l'une de ses chansons en la surnommant « la duchesse de Normandie ». Quand elle règne à Poitiers, elle ouvre une cour lettrée, y accueillant entre autres sa fille Marie de Champagne (protectrice de Chrétien de Troyes)[50]. De même, Barking et Philippe de Thaon lui dédient des Åuvres[51].
En 1162, à sa demande, les travaux dâune nouvelle cathédrale à Poitiers commencent[52].
Il apparaît donc que la cour Plantagenêt protège les artistes, et que lâépoque connaît une importante floraison littéraire, qui pénètre très peu à la cour de France[53]. Malgré cela, Henri II tient probablement un rôle important
dans le patronage des artistes : il commissionne dans les années 1160 la rédaction du Roman de Rou[54], conjointement à Aliénor[55].
La révolte de 1173-1174 et les quinze ans de captivité [modifier]
En 1173, elle trame le complot qui soulève ses fils Richard, Geoffroy et Henri le Jeune contre leur père, Henri II[56]. Cette révolte est soutenue par Louis VII, le roi dâÉcosse Guillaume Ier, ainsi que les plus puissants barons anglais. Aliénor espère lui reprendre le pouvoir mais, lors d'un voyage, elle est capturée et Richard finit par rallier son père.
Aliénor est emprisonnée pendant presque quinze années, dâabord à Chinon, puis à Salisbury, et dans divers autres châteaux dâAngleterre. Dans un premier temps, Henri II tente de faire dissoudre le mariage (jusquâà la mort de Rosemonde de Clifford), mais le cardinal Ugucione, nonce apostolique, lui oppose une fin de non-recevoir[57].
En 1183, Henri le Jeune, endetté et auquel son père refuse la Normandie, se révolte à nouveau. Il tend un guet-apens à son père à Limoges, soutenu par son frère Geoffroy et par le roi de France Philippe Auguste. Mais il échoue, et doit subir un siège à Limoges, puis sâenfuir. Il erre ensuite en Aquitaine, et meurt finalement de dysenterie. Il demande à son père, avant de mourir, de libérer sa mère. De même, en 1184, Henri le Lion et son épouse Mathilde d'Angleterre intercèdent auprès dâHenri II, et la captivité dâAliénor sâadoucit. À la Pâques 1185, il la fait venir sur le continent lors de la nouvelle révolte de Richard (CÅur de Lion) afin de le ramener à la docilité[58].
Son action de gouvernement
Câest dans la période 1167-1173 quâelle commence à prendre des décisions qui ont toute leur force, sans avoir besoin d’une confirmation dâHenri II. Mais là encore, elle nâexerce seule et pleinement le pouvoir, que parce que le roi se retire volontairement[59]. Son activité est bien sûr suspendue pour la période 1173-1189, avant de reprendre dès sa libération. Lors de cette période de retraite monastique entrecoupée de sorties dans le monde, son autonomie de gouvernement nâest en rien limitée. Sans en faire une reine indépendante, Jean Flori reconnaît quâelle a tenté dâexercer le pouvoir, ce qui est déjà exceptionnel pour lâépoque ; quâelle lâa fait de manière conjointe et limitée avec Louis VII ; et de manière discontinue et incomplète avec Henri II. Le fait d'avoir été une femme a limité ses possibilités dâexercice du pouvoir pendant les périodes de crise[60]. Le principal fait est quâelle montre une inépuisable énergie pour maintenir entier le domaine Plantagenêt.
S'inspirant des conventions maritimes en Méditerranée orientale, Aliénor jette les bases dâun droit maritime avec les rôles d'Oléron en 1160, qui est encore à la base de la loi de l'amirauté. Elle passe également des accords commerciaux avec Constantinople et les ports des Terres Saintes.
Elle modernise la ville de Poitiers : charte de commune, construction de halles, d'une enceinte nouvelle, agrandissement de son palais, etc.
La veuve
Après la mort d'Henri II, le 6 juillet 1189, elle est libérée par lâordre du nouveau roi, Richard Cœur de Lion. Elle parcourt alors l’Angleterre, y libère les prisonniers dâHenri II et fait prêter serment de fidélité au nouveau roi. Elle y gouverne en son nom jusquâau début de 1191[61]. Alors que Richard CÅur de Lion est parti pour la Troisième croisade, elle part chercher Bérangère de Navarre et la conduit, en plein hiver, à travers les Alpes et lâItalie,
jusquâà Messine, où Richard sâapprête à appareiller pour la Terre sainte[62]. Elle le rejoint le 30 mars, et il épouse Bérangère à Limassol le 16 mai.
Elle retourne précipitamment en Angleterre empêcher Jean sans Terre de trahir son frère. Elle nây parvient quâun temps : en mars 1193, il cède la Normandie à Philippe Auguste : aussitôt, elle lâassiège avec tous les barons anglais (dont Guillaume le Maréchal) à Windsor[63].
Sur le chemin du retour, Richard est capturé en Autriche. Indignée par la nouvelle, et par lâabsence de réaction du pape (qui protège normalement les croisés), Aliénor écrit néanmoins à celui-ci pour lui demander de lâaide et fustiger son inertie, parvient à rassembler l'énorme rançon qu'elle apporte elle-même à Mayence à Henri VI, fils de Frédéric Barberousse (hiver 1193-1194)[64].
Elle se retire ensuite à Fontevraud. La blessure de Richard CÅur de Lion au siège de Châlus la tire de sa retraite. Il meurt le 6 avril 1199, et elle prend immédiatement parti pour Jean, son dernier fils[65] : à 77 ans, elle parcourt tout l’ouest de la France, rallie l’Anjou qui sâétait prononcé pour le comte de Bretagne, et fait prêter serment à Jean dans ses domaines aquitains. En juillet, elle rend hommage au roi de France à Tours, puis rencontre son fils Jean
sans Terre à Rouen. Enfin, en janvier 1200, elle est en Castille pour aller chercher une épouse pour le dauphin de France : elle préfère parmi ses deux petites-filles Blanche de Castille, qui sera la mère de Saint Louis[66].
Dernières années
Le gisant d'Aliénor (avec Henri II au second plan), à FontevraudAliénor se retire en 1200 à l'abbaye de Fontevraud[67]. Malade, elle ramène néanmoins en février 1201 le puissant vicomte Aimery VII de Thouars à lâobéissance, alors quâil sâétait révolté[68].
En juillet 1202, Philippe Auguste déclare Jean sans Terre félon, et saisit ses domaines. Une de ses armées, à Tours, est commandée par le petit-fils dâAliénor, Arthur de Bretagne, et menace Fontevraud. Elle fuit lâabbaye pour se réfugier à Poitiers, mais ne peut y parvenir et sâabrite à Mirebeau, y est assiégée par le comte de Bretagne du 15 juillet au 1er août, avant dâêtre délivrée par son fils Jean[69].
Elle se retire à nouveau à Fontevraud à lâautomne, et meurt à Poitiers[70], à l'âge de 82 ans, le 31 mars 1204, quelques semaines après la prise de Château-Gaillard par Philippe Auguste[71]. Elle est inhumée à Fontevraud et l'on peut toujours voir son superbe et célèbre gisant qui voisine avec ceux de son second mari Henri II Plantagenêt, de son second fils arrivé à l'âge adulte Richard CÅur de Lion et d'Isabelle d'Angoulême, la femme de Jean sans Terre
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