Les seigneurs de Pamele-Audenarde
Vers une meilleure chronologic
La famille de Pamele-Audenarde (1), qui pendant tout le moyen âge fut une des plus importantes du comté
de Flandre, et dont les membres occupaient de très hautes fonctions à la cour des comtes, a été étudiée
par M. Léo Verriest à l'occasion de son édition du Viel Rentier, le polyptyque des biens fonciers de la dite
famille, rédigé en français vers 1275 (2). Cet érudit renommé essaya de composer une chronologie des seigneurs
de Pamele, au moyen de chartes surtout et, dans une moindre mesure, de sources narratives. Malheureusement, tous les documents n'ont pas été consultés. Un dépouillement plus approfondi des archives et des
sources imprimées donne d'autres renseignements (3). Ainsi, il nous a été possible de trouver des éléments
jusqu'à présent inconnus, qui permettent d'améliorer la chronologie des seigneurs et de transformer
certaines suppositions en certitudes (4).
Les changements les plus importants concernent deux personnes mentionnées par M. Verriest comme
membres cadets de la famille, tandis que les nouveaux documents les classent parmi les seigneurs même de
Pamele. Toutes deux portent le nom de Thierry, mais la première vécut dans la seconde moitié du XI,
l'autre dans la seconde moitié du XII siècle.
L'éditeur du Viel Rentier a proposé l'arbre généalogique suivant pour la famille de Pamele au XI° siècle (5):
Arnoul Ier
Hugues
Arnoul II
Mathilde
Un autre personnage, dit Thierry, qu'il avait rencontré dans plusieurs chartes, n'a pu trouver place dans
cette énumération. La filiation n'étant pas convaincante, M. Verriest donnait, sous réserves, une autre possibilité (6):
Arnoul Ier
Hugues
Arnoul II
Arnoul III
Mathilde
Il faut remarquer que le seigneur Arnoul II du premier tableau a été remplacé par Arnoul II et Arnoul III,
son fils, celui qu'on trouve en 1063 pouvant ne pas être le même que celui qu'on rencontre jusque vers 1110(7).
Bronnen:
1. Audenarde (néerl. Oudenaarde): Belgique, Flandre orientale. Pamele est la partie de la ville située sur la rive droite de l'Escaut.
2. L. VERRIEST, Le polyptyque illustré dit Viel Rentier de messire Jehan de Pamele-Audenarde (vers 1275), Bruxelles, 1950.
3. Il faut noter qu'une partie des documents concernant l'abbaye d'Eename ne sont à Gand que depuis 1952.
4. Le texte concernant le chapitre de Renaix nous a été obligeamment communiqué par Mlle M. T. Deleurere.
5. VERKIEST, op. cit., p. xvIII-XXI.
6. Ibid., p. CVIII, n. 60.
7. Ibid.,XIX
Blz 49
Ainsi a été rejetée la succession qu'on retrouve dans une charte de l'abbaye d'Honnecourt (Nord), éditée
par J. Le Carpentier dans son ouvrage Histoire de Cambray et du Cambrésis (8). M. Verriest estime qu'il s'agit
ici d'une charte suspecte, ou d'un faux. Il se base sur la date, assurément erronée, et sur le fait que le
document ne se trouve plus au fonds de l'abbaye (9). Mais est-il permis d'écarter pour ces motifs la charte
en question? Ce n'est pas notre avis. On ne peut pas perdre de vue que les archives de l'abbaye d'Honne
court sont très pauvres, et surtout pour le moyen âge(10), Il est vraisemblable que Le Carpentier eut à s
disposition une quantité de chartes perdues ou détruites depuis lors. Il est vrai que la date de la pièce, 1140
est inacceptable, parce qu'à ce moment le seigneur de Pamele était Gérard, chambellan de Flandre, et no
pas Arnoul. Quand on tient compte des fautes de datation commises par les anciens éditeurs, il ne faut pa
trop s'en inquiéter: 1104 pourrait être la date exacte. Il n'y a pas de raison de soupçonner Le Carpentie
ici, malgré sa mauvaise réputation.
Revenons à nos seigneurs. Suivant la charte mentionnée plus haut, les liens de famille doivent se présenter de cette façon:
Hugues
Thierry
Arnoul, ép. E.
Marie
Le Thierry qu'on retrouve ici a été sans doute seigneur de Pamele, comme le prouve un texte rédigé à l'occasion de la translation des reliques de saint Hermès à Renaix en 1089 (11). Thierry y est indiqué comme
seigneur d'Audenarde, et l'épithète advocatus, avoué de l'église de Renaix", peut lui être attribuée, malgré
la corruption du texte". La translation se produit pendant une période où l'on parle souvent de Thierry
dans les chartes, c'est-à-dire de 1084 jusqu'à 10964 (14). Quoiqu'il ne porte pas le titre de seigneur dans les
autres cas, on peut admettre qu'il l'était déjà en 1084. Il est donc certain que Thierry Ier doit être placé
entre les deux Arnoul que Verriest avait discernés dans sa seconde hypothèse.
En tout cas, on trouve ainsi la raison pour laquelle, dans une charte de l'abbaye d'Eename de 1110 (15), on
parle d'un Arnulfus iunior (16), ce qui était invraisemblable quand on prenait les deux Arnoul pour une
seule personne et qu'on devait chercher un senior peut-être au début du xie siècle, avant qu'on puisse
parler d'Audenarde (17). Le seigneur Arnoul qu'on retrouve de 1063 à 1065 n'est donc le même
pas
qui est mentionné depuis 1096 et qui semble mort en 1110 ou peu avant (18). Entre 1095 et 1096 Thierry est
morf, et son fils Arnoul lui a succédé.
Hugues, dont on trouve la trace dans des chartes de 1038 à 1064, en présence chaque fois du comte de
Flandre, ne porte jamais le titre de seigneur, mais il semble un personnage si important qu'il est très difficile
de croire le contraire (19). Dans les chartes de l'abbaye d'Eename, il est placé avant Arnoul Ier, quoique
celui-ci possède la tour d'Audenarde, turris Aldenardensis, donc la forteresse (20). Il est vraisemblable que
cet Arnoul est le fils de Hugues, malgré le manque de textes à ce sujet. On retrouve Arnoul pour la première
Bronnen:
8. J. LE CARPENTIER, Histoire généalogique des Pays-Bas ou histoire de Cambray et du Cambrésis, Leyde, 1663/64, t. II, preuves,
p. 83. L'auteur lui-même dit qu'il n'a pas eu le temps de copier le contenu de toutes les chartes, mais qu'il en a tiré à la hâte les
noms (p. 81).
9. VERRIEST, op. cit., p. xx.
10. Voir M. BRUCHET, Archives départementales du Nord. Répertoire numérique. Série H. Fonds bénédictins et cisterciens, Lille, 1928,
P. 111-114.
11. Voir appendice I.
12. Renaix (néerl. Ronse), Flandre orientale.
13. L'original était gravement mutilé au moment où on l'a copié.
14. VERRIEST, op. cit., p. xx.
15. Eename (néerl. Ename), Flandre orient., arr. et cant. Audenarde.
16. C. PIOT, Cartulaire de l'abbaye d'Eename, Bruges, 1881, nº 13, p. 15.
17. Audenarde n'est fondé qu'au commencement du xr* siècle (avant 1030).
18. VERRIEST, op. cit., p. XIX-XX.
19. La première mention d'Hugues se trouve dans une charte pour Marchiennes (Arch. dép. du Nord, ro H 6, n° 41); la dernière
dans une autre pour Eename (PIOT, op. cit., n° 3. p. 6).
20. PIOT, op. cit., n° 3. p. 5.
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fois dans une charte de 1034 à 1058, la dernière fois en 1065 (21). L,a supposition de M. Verriest selon laquelle Arnoul aurait été seigneur en 1064, et nommé avoué d'Eename parce que son père était trop vieux, est la seule solution possible (22). Il est clair que Thierry Ier, seigneur au plus tard en 1084, doit être le frère d' Arnoul, mais qu'il lui succéda après la mort de ce dernier (qui n'aurait pas eu d'enfants). La famille doit être composée de cette façon :
Hugues
Arnoul 1e ----Thierry 1e (23)
Ce Thierry avait un fils, Arnoul, comme le dit la charte de Honnecourt : celui-ci fut seigneur de Pamele après la mort de son père entre 1095 et 1096 (24). Sa fille Mathilde lui succéda en 11 10 ou peu avant (25). La charte citée plus haut mentionne une certaine Marie, mais vraisemblablement il s'agit d'une traduction fautive de l'abréviation M. : la femme d' Arnoul, de son côté, n'est indiquée que par (26). La succession de cette femme M. ne pose pas de problèmes : son fils, pris souvent pour son mari, est Gérard, lequel apparaît en 11 15 comme chambellan de Flandre, et succède à sa mère à une date inconnue (27).
Arnoul III devient seigneur après la mort de Gérard entre 1145 et 1150, peut-être déjà avant 1148, quand il signe une charte en faveur de l'abbaye d'Eename, avec ses frères Gislebert et Baudouin28. Selon les données dont disposait M. Verriest, Arnoul III aurait eu pour successeur un de ses fils, Gislebert. Mais c'était là omettre un texte qui mérite plus d'attention, une charte de Philippe d'Alsace, comte de Flandre, certifiant que Gislebert et Gérard, fils dudit Arnoul III, confirment une donation Gerardi avi et Arnoldi patris et Theoderici fratris (29).
Il est clair qu'on doit intercaler, entre Arnoul III, mentionné pour la dernière fois en 1162, et Gislebert qu'on retrouve dès 1166 (30), un autre seigneur : Thierry II. Il ne fut que peu de temps à la tête de la seigneurie, et il est vraisemblable qu'il mourut très jeune et sans enfants. De ce Thierry II quelques mentions existent dans des notices de l'abbaye d'Eename, jusqu'à présent inédites, mais dont aucune n'est datée. Les témoins confirment néanmoins les ter mini 1162/66 (31). Peu après la mort de son père, Thierry II était encore mineur, et on le rencontre comme -puer de Aldenardo (32). Sa mère, une Mathilde, est donnée comme dame de Pamele, domina Aldenardensis (33). Ailleurs, et vraisemblablement plus tard, on le retrouve dominus de Aldenardo et avoué de l'église d'Eename, advocatus ecclesie, fonction héréditaire chez ces seigneurs (34). En 1166 son frère Gislebert est à la tête de la seigneurie et il y restera une quinzaine d'années, jusqu'en 1182.
Bronnen:
21. Première mention dans une charte pour l'abbaye de Saint-Pierre à Gand (Diplomata Belgica ante annum millesimum centesimum scripta, éd. M. Gysseling/A. Koch, 1. 1, n° 107, p. 208) ; la dernière en 1065 {Recueil des actes de Philippe Jei, éd. M. Prou, Paris, 1908, n° 23, p. 66).
22. Verriest, loc. cit.
23. I^es chiffres arabes indiquent l'ordre chronologique des seigneurs.
24. Piot, op. cit., n° 6, p. 9. Réédition, et nouvelle datation, dans notre édition à paraître prochainement sous le titre de Dt Oorkon- den van de Sint Salvatorabdij te Ename voor 1200.
25. Voir supra, p. 50, n. 16.
26. Verriest, op. cit., p. xx, dit à tort que E. est le mari de Mathilde.
27. Th. de I,imburg-Stirum, Le chambellan de Flandre, Gand, 1868, p. 49 et ss. Gérard est bien le fils de Mathilde : Piot, op. cit., n° 368, p. 353-
28. Piot, n° 375, p. 357. Cette charte n'est pas datée, mais elle doit être antérieure à 1148 (ibid, n° 38, p. 39). Arnoul apparaît en 1150, dans un acte de Saint-Pierre de Gand [Chartes et documents de l'abbaye de Saint-Pierre au Mont Blandin à Gand, éd. A. Van L,okeren, Gand, 1868, t. I, n° 244, p. 145).
29. Piot, n° 58, p. 53.
30. Verriest, op. cit., p. xxrn.
31. Voir les appendices.
32. Voir appendice II.
33. Voir appendice III.
34. Voir appendice IV. — Pour la relation : seigneur de Pamele = avoué d'Eename, voir Piot, op. cit., n° 3, p. 5.
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En conclusion, voici la liste complète des seigneurs de Pamele, jusqu'à Gislebert, avec les autres personnages mentionnés dans cet article :
Hugues enfants:
-Arnoul 1e
-Thierry 1e (v1084- overl 1095/1096)
-Thierry 1e (v1084- overl 1095/1096)
--Arnoul II (1095/1096 - overl voor 1110)
---Mathilde ( v 1110)
----Gisilbert camerrarius ( overl 1145/50)
---Gisilbert camerrarius ( overl 1145/50) enfants
----Arnould III (1145/1150 overl voor 1162)
----Gisilbert
----Baudouin
Appendices
I. 1089, 28 octobre
Acte rédigé à l'occasion de la translation solennelle des reliques de saint Hermès dans une nouvelle châsse.
A. Original perdu. — B. Copie perdue. — C. Copie de la fin du XVIIe ou du début de XVIIIe siècle : Renaix, Archives du doyenné, ms. du chanoine J.L. Van Delen, I, fol. 116 v°. D'après B. Rubrique : Copia actae in vetusto feretro inventae cum posterior fierit translatio. — D. Copie du XVIIIe siècle : Renaix, Archives municipales, Historica annotatio rerum Rothnacensium , lib. A., fol. 11. D'après C.
Éditions : a) A A. 55., août, VI, p. 150. b) A. Cambier, Het Sint Pieters- en Hermesstift te Ronse, Renaix, i960 t. I, p. 56-
... Translate sunt in hoc vase reliquie gloriosi Hermetis martyris... subpresentiaettestimonio...
domini Theoderici... de Aldenardo, ec [a) peut-être et, selon b) ec, provenant i'ecclesia]
... advocati.
II. vers 1162
Un alleu, donné par Judith de Seghelsem à l'abbaye d'Eename, et occupé injustement par sa famille, est restitué.
A. Notice des environs de 1177 : Gand, Archives de l'État, Fonds abdij Ename, n° 3, p. 1485. La pièce renvoie à un autre texte, qui certifie la donation de Judith (n° 3, p. 125 ; éd. PiOT, op. cit., n° 371, p. 354). Une version plus ancienne de la notice se trouve dans le même fonds, n° 2 bis, p. 4.
...Hec omnia corram (sic) hiis liberis testibus acta sunt : Theodericus puer de Aldenardo...
35. Nous ne donnons pas le texte intégral des actes. Ceux qui concernent l'abbaye d'Eename seront édités prochainement, dans l'ouvrage mentionné supra, p. 51, n. 24.
Les seigneurs de Pamele-Audenarde. Vers une meilleure chronologie
Cahiers de Civilisation Médiévale Année 1963
Ludo Milis
https://www.persee.fr/doc/ccmed_0007-9731_1963_num_6_21_1260